Comment recueillir la parole d’une victime : l’art de l’écoute active et de l’entretien d’explicitation

Lorsqu’il s’agit de recueillir la parole d’une victime, il est essentiel de faire une distinction importante entre « entendre » et « écouter ». Entendre est une simple capacité physique. Cela se fait avec les oreilles, sans effort particulier. En revanche, écouter va bien au-delà de cette capacité sensorielle. C’est un processus intellectuel et cognitif qui implique une véritable volonté de comprendre. Dans le cadre d’un entretien avec une victime, cette différence devient cruciale. L’écoute active permet de saisir les subtilités du vécu de la personne, au-delà des mots qu’elle prononce.

L’entretien d’explicitation : une méthode clé pour recueillir la parole

L’un des outils les plus efficaces pour recueillir la parole d’une victime est l’entretien d’explicitation. Ce processus, conçu par le psychologue Pierre Vermersch, vise à explorer en profondeur les actions et les vécus de l’individu. L’objectif principal est de permettre à la personne de décrire de manière détaillée ce qu’elle a vécu. Souvent dans des situations professionnelles ou traumatiques.

L’entretien d’explicitation se concentre sur une description précise et détaillée d’une action passée. Ce n’est pas seulement une question de raconter ce qui s’est passé. Mais aussi de comprendre comment l’individu a vécu cette situation. En posant des questions ciblées, l’interviewer amène la personne à formuler dans son propre langage les détails de l’action, de la structure de ses pensées, et même les aspects inconscients de l’événement. C’est une manière de faire émerger des connaissances implicites que la personne n’a pas immédiatement à l’esprit.

L’importance de l’action plutôt que de l’émotion

Lors de l’entretien d’explicitation, l’objectif est de se concentrer sur l’action plutôt que sur l’émotion. Bien que l’émotion soit une composante essentielle de l’expérience vécue, cet entretien cherche à explorer l’action elle-même, à la décrire le plus précisément possible. En mettant l’accent sur l’action, l’entretien permet de recueillir des informations détaillées et concrètes sur le vécu de la victime, sans que cela soit influencé par une interprétation émotionnelle immédiate.

Cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer les émotions, mais plutôt qu’elles doivent être abordées avec une perspective de description plutôt que d’analyse. La victime doit être encouragée à parler de son expérience de manière factuelle et détaillée, ce qui permet de mieux comprendre les dimensions sous-jacentes de l’événement vécu.

Le contrat de communication : une condition préalable essentielle

Avant d’entamer l’entretien, il est primordial de définir un contrat de communication avec la victime. Ce contrat vise à instaurer un climat de confiance et à préciser les règles de l’échange. Par exemple, l’intervieweur peut commencer par dire : « Si vous êtes d’accord, nous allons prendre le temps de revenir sur ce que vous avez vécu. » Cette déclaration établit clairement les attentes et la nature de l’échange. Le « je » est également utilisé pour insister sur le fait que la parole appartient à la victime, et qu’elle en est l’acteur principal.

Il est crucial de renouer avec ce contrat tout au long de l’entretien. Cela garantit que la personne reste centrée sur son expérience sans être influencée par des jugements extérieurs ou des tentatives d’interprétation.

Les règles à suivre pendant l’entretien

Pour que l’entretien soit efficace, il faut suivre certaines règles essentielles. Tout d’abord, il est impératif de ne pas induire la personne en erreur. Ni d’influencer ses réponses. L’intervieweur doit éviter de poser des questions suggestives qui pourraient orienter la réponse. Il est également essentiel de rester neutre et descriptif tout au long de l’échange. L’objectif n’est pas de juger, mais de recueillir une description la plus précise possible de l’action.

De plus, il convient de ne pas faire de généralisations. Chaque événement vécu est unique. L’entretien doit permettre à la victime de parler de son expérience spécifique, sans que cela soit mis en relation avec d’autres événements similaires. L’intervieweur doit également éviter de faire des liens prématurés ou des interprétations qui pourraient altérer le processus de recueil de la parole.

Conclusion : une écoute profonde pour une meilleure compréhension

Recueillir la parole d’une victime n’est pas simplement un acte de collecte d’informations. C’est un processus délicat qui nécessite une écoute active, une attention minutieuse et un respect total du vécu de la personne. L’entretien d’explicitation offre une méthode structurée pour obtenir une description détaillée de l’action et de l’expérience vécue. Tout en évitant toute influence ou interprétation hâtive. En suivant les principes du contrat de communication et en restant fidèle aux règles de l’entretien, il devient possible d’aider la victime à exprimer son vécu de manière claire et détaillée. Favorisant ainsi une meilleure compréhension et un soutien approprié.

Pour aller plus loin :

  • Ecouter la parole, les ressentis d’un agent, collègue usager impacté par un évènement violent : nos livres.
  • Une vidéo pour illustrer le propos.