Avertissement : les propos développés dans ce témoignage n’engagent aucunement le SDIS et relèvent de la responsabilité de son rédacteur.
La gestion de ces évènements est bien connue. Les sapeurs-pompiers s’y préparent depuis longtemps (dans le Gard, des manœuvres conjointes Police Nationale et SDIS sont mises en place depuis 2002), sous l’appellation manœuvres VU (violences urbaines). L’objectif étant d’opérer ensemble dans un contexte concourant.
Pour se préparer à ces évènements, le SDIS30 a créé 2 groupes spécifiques :
- le Groupe Médiation : dont une des missions est de quadriller les zones sensibles et créer toute l’année, du lien entre les sapeurs-pompiers, les associations et ses habitants. Il part d’un principe évident : « quand on connaît celui qui porte le casque, on ne lui jettera pas de pierres ». Piloté par le LtCol Eric AGRINIER, il a fallu du temps pour que cette mission soit pleinement reconnue. Perçus d’abord comme un groupe « d’assistants sociaux » qui sortaient du cadre de mission des sapeurs-pompiers, les évènements de juillet 2023 lui ont permis d’être pleinement reconnu. On pourrait paraphraser le préfet François VIDOCQ qui connaissait très bien le monde de la délinquance et qui écrivait «qu’une police (et pour nous une administration) sans prévention devient un monstre aveugle ».
- le Groupe Outrage, Menace, Violence, piloté par le Lt Colonel Olivier TUDELA, qui forme et accompagne les sapeurs-pompiers confrontés à des situations de violence qui sortent du champ des violences urbaines. Agressions qui ne proviennent pas toujours des cités dites sensibles vécues par les équipes de secours lors d’opérations de secours à personne bien souvent. Une vingtaines de sapeurs pompiers professionnels et volontaires sont formés spécifiquement au soutien techniques (en dispensant des journées de formation à la gestion et la désescalade*) et au soutien moral des équipes agressées car il est parfois difficile d’accepter de « se faire mordre quand on tend la main pour aider ».
Le dispositif déployé ces 4 nuits là mérite toute notre attention.
3 binômes positionnés sur les 3 sites principaux où se déroulaient les incidents. Equipés d’extincteurs, la mission de ces personnels du Groupe Médiation consistait à :
- se rendre sur tout départ de feu sans aucune escorte de force de police ;
- évaluer les risques de propagation ;
- maintenir un dialogue avec les autres équipes de médiateurs ou éducateurs présents sur place (il faut reconnaitre qu’ils étaient peu nombreux) ;
- rester en contact avec l’officier sapeur-pompier positionné au SIC (Salle d’Information et de Commandement de la Police) pour rendre compte et informer de la situation ;
- procéder soit :
-de laisser bruler si, aucun risque de propagation
-à une extinction simple au moyen d’extincteur
– à solliciter l’intervention de moyens plus lourds sous escorte des forces de l’ordre ou non, lorsque la situation le nécessitait (risque de propagation important mettant biens et population en danger).
Cette méthodologie a permis de réduire drastiquement les sollicitations d’intervention des différentes casernes. Déplacements qui, au vu du contexte de tensions, nécessitaient une protection policière et qui devenaient bien souvent une cible pour des jets et projectiles où les équipages de sapeurs-pompiers en subissent les dommages collatéraux.
Elle a également préservé le matériel (très couteux) et éviter de nombreuses interventions à l’aide de 3 véhicules légers qui ont souvent surpris les auteurs. Se voyant privés de cibles cela a eu pour effet de réduire l’importance de leurs actions.
Cette opération a pu se faire par l’implication et le soutien des officiers responsables des 2 groupes précédemment cités et avec le soutien du Directeur des services Incendie et Secours Colonel Thierry CARRET. Une implication réelle dans le schéma organisationnel qui a permis d’éviter bien des confrontations face à des groupes qui se sont présentés face aux équipes de médiateurs munis de moyens pyrotechniques, mais aussi d’armes longues et d’armes de poing.
Le lien permanent entre ces opérateurs et le personnel en caserne a permis également de faire baisser la tension vécue par ces derniers dont le rythme des interventions a drastiquement diminué.
On peut avancer que même en pleine situation de crise, la prévention peut avoir un rôle pleinement efficient.
3 véhicules légers et 6 sapeurs-pompiers, quelques extincteurs ont fait beaucoup ces nuits là et ont permis d’éviter bien des confrontations. Ses actions sont possibles à partir du moment où ces personnels quadrillent toute l’année le territoire et sont clairement identifiés et reconnus au travers de leurs actions de rapprochement (gestes qui sauvent, actions citoyennes, réunions de prévention…).
Peut être, certainement, une nouvelle spécialité en cours de construction dans le Gard grâce à l’engagement des officiers responsables et des groupes de travail qu’ils ont réuni autour d’eux.
Un profil spécifique, pas toujours simple à exercer, parfois exposé et qui fait appel de réelles compétences.
*méthode se basant sur le concept GESIVI® à partir d’une convention signée entre le SDIS30 et le groupe de formation sur la violence GESIVI.
Le 5 juillet 2023
Didier JAFFIOL, Sapeur-pompier et Expert au SDIS30, groupe OMV
Directeur recherche et développement à GESIVI