La prostitution des mineurs est un sujet complexe et délicat, souvent ignoré ou minimisé. Mais qui prend une ampleur inquiétante avec l’évolution des technologies et des comportements sociaux. Ce phénomène, bien que non nouveau, se transforme et se propage, alimenté par des facteurs tels que l’accessibilité croissante des réseaux sociaux et une prise de conscience sociale plus marquée. Cet article explore cette problématique à travers les témoignages de professionnels engagés dans la prévention des violences et la prise en charge des jeunes en situation de prostitution.

Une Question Récurrente dans les Formations

Lors de nos formations de prévention des violences, une question revient fréquemment parmi les professionnels en charge des mineurs. Notamment ceux travaillant dans les foyers de l’enfance, les services d’aide sociale à l’enfance (ASE), ou encore la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces travailleurs sociaux, éducateurs et policiers partagent leurs préoccupations sur l’augmentation des cas de prostitution de mineurs et les difficultés rencontrées pour y faire face. La prostitution des mineurs, bien qu’elle ne soit pas un phénomène nouveau, connaît un essor inquiétant ces dernières années. La prolifération des réseaux sociaux facilite grandement la mise en relation entre les victimes et leurs prédateurs. Parallèlement, une meilleure prise en charge de ce phénomène par les services concernés a permis de sensibiliser davantage de professionnels.

Un Phénomène en Hausse, Mais Pas Nouveau

Il est important de souligner que la prostitution des mineurs n’est pas un phénomène récent. Cependant, avec l’avènement des réseaux sociaux et l’accessibilité accrue de ces plateformes, les victimes potentielles sont plus faciles à repérer et à exploiter. Les prédateurs ont désormais un accès direct aux jeunes. Souvent vulnérables, ils peuvent les manipuler facilement en leur offrant des avantages matériels ou émotionnels. Comme des cadeaux, un hébergement ou des invitations à des événements sociaux.

Ce phénomène a longtemps été minimisé, voire ignoré, par les autorités publiques. Par exemple, lorsqu’une ministre s’était penchée sur le problème des mineures prostituées. La réponse des services concernés avait été frappante : « Il n’y a que très peu de mineures prostituées, voire pas du tout« . Une déclaration qui contraste fortement avec la réalité vécue par les professionnels du terrain, qui rencontrent ces jeunes filles, souvent en situation de grande détresse, chaque nuit. Les victimes disparaissent souvent après leur prise en charge, rendant leur suivi encore plus complexe.

Si vous êtes concerné par ce sujet, ce reportage sur la plateforme France TV est pour vous. Il relate le travail difficile pour les éducateurs qui tentent de proposer une alternative à ces mineures en grand danger.

Comme si j’étais morte – Le documentaire

 

Le Manque de Réaction et les Filtrages Cognitifs

Il existe de nombreux facteurs qui expliquent l’inaction des services publics face à ce problème. D’une part, le sujet reste souvent tabou. D’autre part, il existe ce que l’on appelle des « biais cognitifs ». Des filtres occultants qui empêchent certains acteurs sociaux de reconnaître la réalité de la prostitution des mineurs. Ces biais peuvent être liés à la manière dont les professionnels sont formés. Mais aussi à un manque de sensibilisation et à des priorités mal définies dans les politiques publiques.

Les témoignages des professionnels de terrain sont édifiants. A l’époque de l’affaire Dutroux et des révélations sur les réseaux de pédophilie, les autorités françaises avaient tendance à considérer ce phénomène comme une problématique étrangère. Les victimes étaient souvent invisibilisées, disparues des radars des services sociaux et de protection. Ce déni ou cette ignorance institutionnelle a créé un vide où les mineurs en souffrance se retrouvaient à la merci de prédateurs.

La Prostitution des Mineurs : Un Phénomène Différent

La prostitution des mineurs se distingue largement de celle des adultes. Dans le cas des adultes, la prostitution est souvent initiée par la personne elle-même, qui se trouve dans une situation de vulnérabilité ou de choix personnel. Les modes opératoires sont relativement bien connus des services de police et des associations qui luttent contre le proxénétisme. Les prostituées adultes sont souvent visibles. Dans des quartiers ou des lieux spécifiques, et les réseaux de prostitution sont organisés de manière identifiable.

En revanche, la prostitution des mineurs suit un processus inversé. Ce sont fréquemment les clients eux-mêmes qui cherchent activement les jeunes victimes. En adoptant des comportements de prédation. Le client propose la prestation sexuelle, souvent sous couvert de gestes « bienveillants » comme offrir un hébergement temporaire, des repas ou des sorties. Cette manipulation s’inscrit dans un schéma plus insidieux où la victime est prise au piège. Sans toujours comprendre la gravité de la situation avant qu’il ne soit trop tard.

L’Évolution de la Prise en Charge : De la Prévention à l’Intervention

La prise en charge des mineurs en situation de prostitution a évolué ces dernières années. Grâce à une meilleure coordination entre les services de l’État, les associations et les professionnels du terrain. Les maraudes, qui ont longtemps été un outil clé dans la prévention, ont permis d’identifier les jeunes en danger et de leur offrir un cadre de protection. Cependant, la prostitution des mineurs est un phénomène complexe et souvent invisible.

Il est essentiel de souligner l’importance de la formation continue des professionnels pour reconnaître les signes de la victimisation. Jean-Pierre Veyrat, lors de sa formation sur l’Analyse Morphologique Gestuelle (AMG®), a rappelé un principe fondamental. « Si l’on repère la victime, le prédateur sera forcément à proximité« . Cette observation révèle une réalité fondamentale. En matière de prévention, il est crucial d’observer non seulement les comportements des agresseurs, mais également ceux des victimes. Par exemple, un mineur vulnérable peut facilement être repéré par des signes de détresse psychologique, de soumission ou de dépendance.

Le Rôle Clé des Réseaux Sociaux

Aujourd’hui, les réseaux sociaux jouent un rôle central dans l’augmentation des cas de prostitution des mineurs. La facilité avec laquelle un prédateur peut contacter un mineur via ces plateformes représente une menace grandissante. Ces espaces virtuels permettent aux prédateurs de se cacher derrière des identités fictives. Et de manipuler des jeunes filles sans qu’elles ne se rendent compte du danger. Les autorités doivent donc renforcer leurs outils de surveillance et d’identification des victimes, tout en offrant un soutien plus tangible aux jeunes vulnérables sur internet.

Encourager et Soutenir les Équipes sur le Terrain

Les équipes d’éducateurs, de policiers et de travailleurs sociaux qui se battent chaque jour pour protéger les mineurs prostitués méritent des encouragements et un soutien continu. Les conditions de travail dans ce domaine sont particulièrement difficiles. Et les défis y sont nombreux. Chaque jour, des vies sont sauvées, mais il est crucial d’assurer un suivi plus solide et d’éliminer les obstacles institutionnels qui freinent l’action.

Conclusion : Un Appel à la Mobilisation

La prostitution des mineurs est un problème sociétal majeur, qui nécessite une mobilisation collective. Au-delà des formations et des actions de terrain, il est primordial d’adopter une approche plus systématique et de renforcer les outils de prévention. Les réseaux sociaux, qui sont un vecteur majeur de ce phénomène, doivent faire l’objet d’une vigilance accrue. Il est également essentiel de briser le tabou qui entoure ce sujet pour permettre une meilleure prise en charge des victimes et une lutte plus efficace contre les prédateurs. Les éducateurs, policiers, travailleurs sociaux et citoyens doivent unir leurs efforts pour protéger les plus vulnérables et offrir des solutions concrètes pour sortir de cette spirale de violence.

 

Didier JAFFIOL