Pensé par et pour les Sapeurs-Pompiers.

« En 2000, jeune Sergent dans les Yvelines (78).

Je suis affecté dans un petit centre de secours à dominance SPV. Un jour le CTA m’engage avec un sapeur, en prompt secours, pour tentative de suicide, en attendant les renforts d’un autre centre de secours. Notre VSAV était déjà sur intervention. Nous partons tous les deux avec une VL et du matériel de premiers secours.

L’intervention se situe dans une zone pavillonnaire, assez calme. Je me présente à l’adresse, devant un petit portail que j’ouvre. Un monsieur d’environ 60 ans m’attend, je lui indique que je viens car nous avons été avertis d’un suicide et que nous venons prodiguer les premiers soins. Cet homme me tend un courrier. Je baisse donc le regard, et lis la lettre.

Au moment où je relève la tête pour m’adresser à lui, il me tenait en joue avec une arme à feu, à un mètre environ de moi.

Le sapeur qui m’accompagnait s’enfuit, je reste seul avec lui dans le jardin. Je lui demande de baisser son arme en argumentant, que je suis là pour l’aider, que je suis père de famille et que je ne veux pas mourir. Mais je perçois très vite que le dialogue ne sera pas possible. Peut-être parce que je suis trop jeune comme sous-officier ? Peut-être que je n’ai pas reçu la formation adaptée à ce type de situation. Je ne trouve pas les mots. Je tente de désamorcer. Quoi qu’il en soit à 28 ans, je n’ai pas envie de mourir. Je décide de lui sauter dessus en saisissant son bras et son pistolet. Il arrive à se débattre, retourne son arme contre lui et se tire une balle dans la tempe !

Sa cervelle éclate, je suis plein de sang ! Je reste professionnel, passe un message au CTA. La police est rapidement sur les lieux, prévenue à l’appel. Je suis transporté au commissariat pour le reste de la journée, soit 6h d’audition avec un commandant de police qui est resté très humain. Mais celui-ci ne m’a quand même pas laissé de répit, procédure oblige. Je tiens à signaler qu’en face du jardin une voisine était à sa fenêtre et à pu témoigner.

Ensuite retour au centre de secours. Un médecin s’entretient avec moi. Il me demande si je désire un soutien psychologique. Je décline la proposition. Cette intervention m’a marqué pour toujours. Je suis encore en colère contre cet homme. Aujourd’hui j’ai 25 ans de carrière. Durant tout mon parcours professionnel très peu de formations pour comprendre et agir à minima face à ces interventions dégradées m’ont été proposé. Les choses évoluent. Tant mieux, même si je sais qu’elles ne peuvent les éviter, une formation à minima peut contribuer à éviter certains drames.

Ces formations, comme celles du GESIVI® devraient être proposées dès les formations initiales et développées régulièrement en FMA. Je constate, comme beaucoup de mes collègues, que ces situations de violence sont de plus en plus fréquentes. Les sapeurs-pompiers ne sont pas suffisamment actuellement aux situations dégradées. »

Eric H. Lt de SPP GARD.

 

Cette histoire vécue par le Lt de SPP EA, est quelque peu singulière. Certes elle n’est pas le quotidien des SP de France mais c’est une réalité. La corporation peut se retrouver brutalement face à la violence interpersonnelle. Elle peut être physique et extrême comme dans ce cas (c’est rare mais toujours traumatisant).

Plus souvent, c’est une agressivité verbale, parfois physique qui est vécue par les intervenants. Cela crée un sentiment d’insécurité, empreint d’amertume, prolongé par une remise en question. Mais comme l’explique un sociologue SPV « la pudeur des pompiers et leur bonne humeur légendaire leur interdisent d’en parler le plus souvent et ils gardent pour eux et leurs collègues les émotions les plus vives, les souvenirs les plus durs, les chagrins indicibles. Ou du moins un sentiment d’insécurité vécu, ressenti, mais aussi de plus en plus parlée par les équipes au sein des casernes ».

La violence en intervention est une réalité, une réalité mal vécue. Parlée, souvent sous forme de plainte et qui fait porter la responsabilité à leur hiérarchie, il y a celle la plus médiatisée des violences urbaines, et depuis peu le risque attentat. Mais il y a celle qui est quotidienne, difficilement supportée car fréquente, elle n’en reste pas moins insupportable. Une violence vécue.

 

« Après un fantastique réveillon, rempli de feux de joies (poubelles, voitures, aire de jeu…), de mots d’amour (fils de p**e…), d’offrandes (pierres, cailloux, pavés…), de rassemblements affectueux (encerclement du véhicule au fond d’une impasse…), je peux prendre un peu de repos, et c’est empli d’une confiance inébranlable en l’avenir et en l’espèce humaine, que je vous souhaite une bonne année, pleine de bonnes choses, et tout et tout, la vie tout ça… ».

Un message sur Facebook d’un SPP de garde la nuit du 31 décembre à Nîmes.

 

Malades difficiles, différends familiaux, PRPA où l’équipe VSAV se trouve face à la misère, au désespoir, au « pétage de plomb ». La violence quotidienne est celle qui est vécue lors du secours à personne, d’accident sur VP, où les émotions, le traumatisme conduisent la victime, les témoins, les impliqués vers des débordements verbaux voir physiques. Ces agressions se déroulent entre les personnes. Les SP sont témoins et sont amenés à apaiser la situation. Mais aussi, ces derniers peuvent devenir l’objet de l’agression.

Ces agressions, ne concernent pas que les équipes de secours. Elles sont le quotidien de tout professionnel confronté à du public. Les chiffres explosent lorsque le public est sous emprise de produits, sujet à des troubles du comportement, la nuit ou lors de rassemblements festifs. Les équipes de secours se trouvent souvent aux côtés des forces de l’ordre. Parfois elles se trouvent sur les lieux avant leur arrivée.

 

Les dernières statistiques du ministère font état de 1.569 pompiers agressés en 2013, une hausse de 27% par rapport à 2012. Ces agressions ont donné lieu à 1.202 dépôts de plainte et à 1.864 jours d’arrêt de travail.

 

Il faut garder en mémoire deux paramètres :

  • Premièrement que la profession est largement en tête des métiers appréciés par la population.
  • Ensuite, il faut préciser que l’expérience des agents et leur engagement dans leur qualité des relations humaine, leur permettent de désamorcer une énorme proportion de situations dégradées.

 

GESIVI®, et sa méthode, qui « dans un monde parfait » ne devrait pas exister, a pour objectif d’améliorer la juste posture en cas de situation dégradée. Ce n’est pas une méthode de self défense. Mais, comme un EPI, un ensemble d’outils permettant de se protéger de la violence en la comprenant pour l’identifier, s’en protéger et s’en dégager. Il est fondamental de garder ces éléments en tête.

 

HISTORIQUE DU GESIVI®.

Cette méthode de Gestion de Situation de Violence a été créée par. Le Lt Colonel Laurent JOSEPH, Le Capitaine Pierre Jacques BOULET du SDIS du Gard. Didier JAFFIOL Expert au SDIS 30 et Délégué du Préfet du Gard, instructeur en gestion des situations dégradées. Christian AIT, Professeur diplômé d’État en Sports.

Le module a été expérimenté dans un premier temps, durant les manœuvres de la garde du Centre de Secours Principal d’Alès (Gard) à partir de 2001. Depuis, ce module de formation sur un ou deux jours, est destiné à toutes les formations initiales de Sapeurs Pompiers Professionnels du Gard.

Depuis 2015, ce sont les équipes de SPP du Centre de Secours Principal de Nîmes qui bénéficient d’une journée de formation dans le cadre de la FMA. A cela, s’ajoute des interventions ponctuelles durant les FAE Chefs d’équipes et Chefs d’Agrès depuis quelques années au sein du Groupe de Formation du SDIS.

Deux des cofondateurs sont régulièrement sollicités par le Groupe OMV (Outrage Menaces Violences du SDIS30) qui s’inspire régulièrement de cette méthode.

 

LES OBJECTIFS

GESIVI®, est une méthode dont l’acronyme veut dire « Gestion de Situation de Violence ». L’objectif est de préparer les SP à gérer au mieux les situations de violence. En donnant des éléments simples de compréhension pour donner des outils simples d’action. La compréhension de la violence et l’agressivité, permettent d’agir plutôt que réagir.

 

Pour chacun des 3 niveaux de formation (Equipier, Chef d’Agrès, Chef de Groupe), le programme comprend 3 volets traités en parallèle :

  • gestion opérationnelle
  • gestion émotionnelle et psychologique
  • gestion administrative et juridique

 

Cette formation répond aux exigences suivantes :

  • Connaître les contextes opérationnels de violence et intervenir en sécurité
  • Prioriser les interventions en situation dégradé et en dehors des violences dites urbaines.
  • Mieux se connaître en situation de stress et identifier les réactions aux situations traumatisantes nécessitant un soutien psychologique
  • Connaître le phénomène de la violence interpersonnelle,
  • Être informé sur l’identification des comportements radicalisés
  • Etre conscient de l’importance de la cohésion et du travail en équipe
  • Connaître, pour le niveau de responsabilité concerné, les procédures administratives et juridiques à appliquer suite à une intervention en contexte de violence
  • Mieux connaître le fonctionnement des forces de l’ordre et intervenir conjointement en appliquant des procédures communes.

 

DEROULE

La formation suit le déroulé pédagogique des référentiels de formation. L’apprentissage se fait par le développement des acquis d’expérience.

La mise en situation est le point fort de la formation. Alternent ensuite des séquences d’apport théoriques et des modules d’apprentissage.

– Les mises en situations, sont filmées puis débriefées.

– Les personnels sont ensuite préparés, par alternance entre courtes séquences théoriques et exercices éducatifs

– L’accent est mis sur les effets de l’agression sur l’agent (réactions émotionnelles, stress induit).

 

CONTENUS

La formation, selon les besoins et le cadre (FI, FAE, FMA), se déroule sur 1 à 2 jours :

  • PREMIERE PARTIE :

Agressions sur agents dans le cadre du Secours à Personne. C’est le quotidien du Sapeur Pompier d’être confronté à la détresse, la violence, la misère sociale et psychologiques, aux crises de violence où les secouristes seront parfois le réceptacle de toute une agressivité. Bien heureusement, le savoir faire et l’expérience permettent à la majorité de ces interventions sensibles, d’être gérées sans problème. Cependant, parfois, il y a dérapage. Une insulte, un coup, un crachat. Tous ces actes qui peuvent blesser tant physiquement que moralement. Il est parfois difficile pour un sauveteur de voir sa main mordue par celui qui est secouru.

  • DEUXIEME PARTIE :

Les violences urbaines : là encore, ce sont des appels très fréquents pour des feux de containers, de voiture, des appels pour ascenseur est bloqué. Les pompiers interviennent car nombreux sont les services qui craignent d’envoyer encore leurs personnels. Là encore, tout se passe bien et pourtant, certaines fois ce sont des jets de pierres voire des prises à partie directe avec la Police ou la Gendarmerie à nos côtés.

Dans tous les cas, les Sapeurs Pompiers sont bien souvent confrontés dans leur pratique à cette violence. Ils en sont souvent les témoins et il est nécessaire de pouvoir les préparer à affronter cette réalité.

Cette méthode n’est pas un référentiel officiel, c’est le contenu de la formation préparant les Sapeurs Pompiers Professionnels et volontaires dans le cas de la FIA (intégré au module DIV depuis 2001) du SDIS du Gard.

 

Le programme – les outils applicables :
  • Eléments de négociation verbale (E.R.I.C.-D.T.I.-D.E.S.C.)
  • Posture d’apaisement (Proactivité)
  • Intervenir en équipe (Triangulation et technique du Z)
  • Comprendre le passage à l’acte
  • Modes opératoires des agresseurs
  • Phénomènes de bande et de groupe (principe de S. Hash)
  • La crise suicidaire
  • Phénomène terrorisme et radicalisation
  • Face à une arme
  • Les émotions, le stress, les sentiments (respiration tactique)
  • Les 3 cercles : Defusing-Debriefing-RETEX
  • La violence au sein de l’équipe et du service (écoute active)
  • La remontée d’information
  • La procédure

 

Mises en situation :
  • Les troubles du comportement
  • O. et H.D.T.
  • Agression verbale
  • Agression physique
  • Conflit d’équipe

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

 

Didier JAFFIOL

Expert Situations Dégradées

Écrit en mémoire de notre collègue Jouffroy HENRY poignardé mortellement par la victime qu’il venait aider. Un symbole pour nous, qu’il ne faut pas oublier.

 

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